Guide des formations juridiques 2015 - page 233

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Le droit pénal est d’un enjeu politique majeur : il s’agit d’instaurer
un équilibre entre la lutte contre la criminalité et le respect des
libertés individuelles. Sans doute ne faut-il pas opposer sécurité et
libertés, puisque la sécurité est la première d’entre elles – en quoi
suis-je libre si je ne veux plus sortir la nuit dans les rues par peur
d’une agression ? –, mais on ne saurait, au nom de la première,
porter une atteinte excessive aux secondes, du moins dans un
régime libéral (car pour supprimer la criminalité, il existe un moyen
simple : loger un policier au domicile de chaque citoyen, selon un
modèle totalitaire si bien illustré par le film « La vie des autres »).
Le droit pénal permet donc de se faire une image fidèle de l’état
des libertés dans un pays donné. Autant dire qu’il faut renoncer
à la vision sombre que l’on s’en fait trop souvent (les prisons,
les menottes) : il est promesse pour les victimes, qu’il protège,
il est garantie pour les accusés, qu’il présume innocents, soit
une conception humaniste de l’homme. Mais de nos jours, cette
philosophie héritée des Lumières est remise en cause : l’obsession
sécuritaire est passée par là.
La matière pénale est donc passionnante. Elle ne peut d’ailleurs
être étudiée d’une manière purement positiviste et desséchante :
il faut la croiser avec l’histoire, la criminologie, la psychologie, la
médecine légale, etc. Au demeurant, même dans une approche
exclusivement juridique, le droit pénal présente l’immense intérêt
d’être une école de rigueur comme il n’en subsiste plus beaucoup
: peu de disciplines sont aussi exigeantes que lui lorsque vient le
moment de poser des qualifications. Pour le juriste qui considère
que le droit devrait être un cube aux arêtes vives, non une forme
molle, le droit pénal sera une matière sachant répondre à ses
attentes, même s’il devra en toute occasion savoir en sortir :
la solution dépend souvent de notions civiles, commerciales,
etc., car le droit pénal, « gendarme du droit », est par nature
pluridisciplinaire.
Le droit pénal est l'un des piliers essentiels de l'architecture normative
d'une société humaine. Les valeurs qu'il véhicule et protège sont les
reflets intimes de la pensée et de la conduite d'un peuple à travers
ses traditions et plus largement sa culture, son histoire personnelle.
L'étude des normes diverses et variées constituant le corpus du droit
pénal permet aussi de mieux appréhender l'être humain, notamment
dans sa dimension sociale et morale, voire même historique.
Cette discipline du droit, complète et enrichissante, anticipe
ou accompagne les grands changements d'époques et de
civilisations . Dans nos démocraties, en tant qu'expression des
règles du contrat social, elle traduit nécessairement la recherche
d'un équilibre subtil entre les libertés individuelles et la protection
de l'ordre et de la sécurité publics.
Ce sacrifice mesuré des libertés individuelles ou collectives
au profit des impératifs d'ordre et de sécurité publics
semble particulièrement actuel si l'on prend en compte plus
particulièrement les menaces terroristes qui pèsent sur les
sociétés occidentales.
L'étudiant en droit pénal pourra choisir la voie professionnelle
la plus adaptée à son tempérament, selon qu'il est porté vers la
protection de l'intérêt général ou celle des libertés individuelles. Le
premier choisira le métier de magistrat, pour veiller à l'adéquation
permanente de la réponse pénale à l'actualisation des
préoccupations d'une société. Le second pourra devenir avocat.
Quel que soit le métier choisi, l'objectif est en réalité le même :
la protection d'autrui, soit contre le danger, soit contre l'arbitraire.
DROIT PÉNAL
Monsieur Philippe CONTE
Professeur à l'Université Panthéon-Assas, directeur de l
.
Philippe FERLET
Procureur de la République adjoint au tribunal de grande instance de Versailles
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