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L’actualité pénale est omniprésente : elle
court sur nos plateaux de télévision, dans nos
brèves de journaux, aux comptoirs des bistrots
et sur les réseaux sociaux, ces comptoirs 2.0.
Le débat pénal est quotidien au Parlement, dans nos assemblées
locales, dans les joutes politiques, jusque dans nos repas de famille.
Suite aux attentats du 13 novembre, la mise en place de l’état
d’urgence, pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, nous
fait toucher du doigt de manière encore plus prégnante ce que nos
libertés fondamentales ont de précieux…et de fragile. Choisir le
droit pénal le plus t t possible à l’Université c’est d’abord et avant
tout se former à être légitime à entrer dans ces débats. C’est ensuite
préférer l’humain à la règle, l’apprendre pour mieux s’y confronter et
bien défendre, ou pour, plus tard, bien juger. Ne pas se contenter
uniquement du droit pénal général, s’attaquer à la défense pénal
d’urgence, celle des plus démunis, souvent étrangers ; puis avancer
plus avant dans le droit pénal spécial, s’intéresser au droit pénal
du travail ou de l’environnement, deux spécialisations en plein
développement. Intimement lié au droit européen - sous l’impulsion
vigilante de la CEDH - et au droit constitutionnel - avec l’essor des
QPC - le droit pénal reste la matière juridique la moins abstraite
qu’on puisse étudier : à chaque infraction, à chaque jurisprudence
correspond un fait, une histoire, un contexte, un être humain. Mais
être bien formé est essentiel. Il faut être un technicien du droit pénal
pour devenir expert en humanité, convaincu qu’il n’y a pas de dernier
des hommes. Voilà l’enjeu.
DROIT PÉNAL
Eric Morain
Avocat associé
Le droit pénal interroge actuellement l’Etat de
droit dans sa capacité à maintenir l’équilibre
entre les libertés individuelles et la sécurité
publique. Le débat sur les lois anti-terroristes
illustre la difficulté. La prise en compte
actuelle de la dangerosité a réactivé le rôle
des sciences criminelles qui gravitent autour
du droit pénal : la criminologie, la sociologie pénale, la philosophie
pénale, l’histoire du droit pénal, ce qui en fait toute sa singularité, sa
complexité, et sa richesse.
Au-delà, le droit pénal pose la question de savoir comment
doit s’exercer l’exercice du droit de punir. Car le droit pénal est
une matière juridique mouvante, conquérante, et protéiforme. Il
embrasse en effet tous les droits, tant privé que public, et englobe
de nombreux domaines (les personnes physiques, les personnes
morales, la santé publique, la propriété, l’environnement, etc).
Il innove également avec l’émergence de nouvelles figures
juridiques, aux c tés de la peine privative de liberté : la contrainte
pénale, l’injonction de soin, le suivi socio-judiciaire, la rétention de
sureté, le placement sous surveillance électronique mobile.. En
même temps, des mécanismes bien connus du droit civil atteignent
désormais le procès pénal (transaction, médiation, réparation ou
justice restaurative). De son c té, le droit public emprunte de plus
en plus les mécanismes du droit pénal (la sanction administrative
en droit des affaires, par exemple).
C’est dire que le droit pénal est actuellement au « carrefour » de
toutes les branches du droit. Comme l’a souligné très justement le
professeur Marie-Elisabeth Cartier à l’occasion d’un libre propos sur
l’enseignement du droit pénal à l’aube du 21ème siècle, « c’est un
droit rigoureux, porteur de valeurs et créateur de normes. C’est un
système juridique complet propre à former l’esprit de nos étudiants,
à façonner leur intelligence ».
Sylvain Jacopin
Maître de Conférences à l’Université de Caen.