Guide des formations juridiques 2016 - page 351

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En général introuvables dans les rayons des
bibliothèques sous une rubrique spéciale,
les ouvrages d’histoire du droit voyagent
entre l’histoire, le droit, voire d’autres terres
exotiques au gré des concepteurs de l’espace
recherche. L’histoire du droit est ainsi : à la
croisée des chemins.
Héritière de la grande tradition romanistique des facultés du Moyen
Âge, elle a été réduite à la mention d’ « histoire et antiquités du
droit » sous le Consulat. Depuis, elle a beaucoup évolué. Quelle est
aujourd’hui son utilité ? Quel est son profil ?
Son utilité dépend de la focale utilisée par l’observateur. Si les
facultés de droit doivent être des écoles de droit, il est très malaisé
d’expliquer aux entreprises que l’expertise du juriste de haut niveau,
possédant recul et hauteur de vue, peut aussi leur être utile. Mais
bien des entreprises d’aujourd’hui font entrer de l’humanisme aux
c tés des seuls critères de rentabilité et l’avenir de l’histoire du droit
se conjugue au futur. Par ailleurs, si les facultés de droit demeurent
ce qu’elles sont, une alma mater formant l’esprit critique et la liberté
de pensée, l’histoire du droit apparaît, aux c tés du droit comparé,
comme l’outil le plus approprié pour mettre la règle de droit en
perspective.
Le profil de l’histoire du droit est en effet unique : dans l’océan du
droit qui est un monde, l’histoire du droit est une mer intérieure qui
bénéficie des évolutions juridiques contemporaines et qui les nourrit
en retour de sa mémoire et de son expérience, au gré des marées
des dialogues universitaires.
Par sa position excentrique, l’histoire du droit, qui conjugue la
diversité dans l’unité , est une porte d’entrée indispensable pour tous
ceux qui veulent faire du droit de manière intelligente et réflexive.
Jacques Bouineau
Professeur d’Histoire du Droit à l’Université de la Rochelle
HISTOIRE, PHILOSOPHIE
ET SOCIOLOGIE DU DROIT
Un bon juriste n’est pas seulement un
excellent technicien, il doit aussi être un
jurisconsulte accompli. Cette notion, un
peu désuète mais inactuelle, désigne
ce professionnel qui, maniant avec
compétence les outils juridiques, pense le droit dans toute sa
complexité et réfléchit constamment sur le sens de sa mission,
à son rôle dans la société du XXIe siècle.
L’histoire du droit appartient à cette boite à outils du
jurisconsulte. Elle pose à chacun des juristes une question
cruciale et récurrente : à quoi tenons nous ? Face à des
réformes législatives, à des décisions de justice, à des actes
juridiques, il est indispensable non seulement de saisir
l’héritage historique qui nous caractérise et nous définit mais
aussi de l’actualiser pour le rendre vivant, de l’adapter ou,
pourquoi pas, d’y renoncer.
Réformes des professions réglementées et du droit du travail,
modifications des règles de la filiation, nouvelle organisation
territoriale ou encore législation sur l’égalité homme-femme :
tous ces moments, comme d’autres, sont l’occasion d’interroger
notre passé juridique, d’en saisir la relativité, la plasticité
mais aussi la remarquable endurance. Mieux que quiconque,
l’histoire du droit aide le juriste, et plus généralement le citoyen,
à penser une tradition bousculée qui se consolide en se
réinventant continuellement.
S’engager dans la voie de l’histoire du droit permet de
compléter très utilement la préparation aux concours judiciaires
et administratifs, d’envisager une carrière dans l’enseignement
et la recherche mais surtout, dans un monde plus globalisé
évoluant à un rythme accéléré, de doter le juriste d’une
conscience plus aigüe des défis juridiques contemporains,
d’accompagner avec lucidité la demande croissante de droit.
L’histoire du droit, vigilante mais prudente, permet de construire
l’avenir bien plus qu’elle n’enchaine notre présent au passé.
Frédéric Audren
Chargé de recherche au CNRS
Centre d’études européennes (UMR 8239)
Ecole de droit de Sciences Po
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